
La précarité énergétique est un enjeu majeur pour les Hauts-de-France. On estime qu’un ménage sur six est concerné (contre un sur dix à l’échelle de la France). Si l’Aisne et la Somme sont particulièrement concernés, la MEL n’est pas en reste.
AMELIO dresse le panorama de la précarité énergétique et en expose la complexité, avec l’aide de Gilles Berhault (délégué général de l’association Stop à l’exclusion énergétique).

Qu’est-ce que la précarité énergétique ?
D’un point de vue législatif, on définit la précarité énergétique de la façon suivante :
« Est en situation de précarité énergétique […] une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ».
De manière plus générale, sont considérés en précarité énergétique les personnes qui :
- vivent dans des passoires thermiques,
- dépensent beaucoup d’énergie pour un résultat peu satisfaisant,
- souffrent du froid ou du chaud sur une longue durée,
- doivent faire des restrictions volontaires liées à leur situation financière ou du fait de leurs conditions d’habitat.
On estime également que les ménages qui consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques sont en précarité énergétique.
Bon à savoir
Les dépenses énergétiques ne concernent pas que le chauffage ou le refroidissement du logement. Elles incluent aussi la consommation des équipements multimédias (télévision, ordinateur, téléphone portable qui charge…) ou électroménagers (réfrigérateur, congélateur, machine à laver, lave-vaisselle…).
Si pendant longtemps, la précarité énergétique était particulièrement problématique en hiver, avec le dérèglement climatique, elle concerne de plus en plus le confort d’été. Ainsi, en 2023, un français sur trois a souffert du froid et six Français sur dix de la chaleur dans son logement.


Bon à savoir
La précarité énergétique touche davantage les locataires et propriétaires modestes de logements individuels.
Quelles en sont les causes et les conséquences ?
La précarité énergétique est une situation complexe qui est rarement la conséquence d’une seule cause et dont les répercussions sont nombreuses.
Des origines multiples…
L’augmentation du prix de l’énergie et l’inflation ne sont pas les seuls responsables du développement de la précarité énergétique en France.
Les trois causes principales sont :
- des logements vieillissants et mal isolés ;
- un coût de l’énergie élevé ;
- des revenus devenus insuffisants.
Bon à savoir
Dans la majorité des cas, la situation du foyer se dégrade lentement et résulte de problèmes qui s’enchaînent.
C’est le cas, par exemple, de cette jeune femme accompagnée par Stop à l’exclusion énergétique. Suite à une séparation brutale, elle s’est retrouvée seule avec ses trois enfants. La période de pandémie du COVID-19 a été particulièrement douloureuse pour elle : travaillant dans l’événementiel, elle s’est retrouvée sans emploi et sans allocation chômage, n’étant pas salariée.
Ces deux événements majeurs ont eu pour conséquence de diminuer considérablement son niveau de vie. Ainsi, avant de se faire accompagner, elle ne se chauffait plus qu’avec un petit chauffage électrique qui passait de pièce en pièce, selon les besoins.
… et des conséquences en cascade.
Au-delà de l’inconfort lié au froid ou à la chaleur, la précarité énergétique engendre une grande variété de répercussions sociales, sanitaires et environnementales :
- nécessité de faire des arbitrages entre les dépenses (nourriture vs chauffage), ce qui est source de stress constant ;
- dégradation de la santé physique et mentale ;
- augmentation des risques d’intoxication au monoxyde de carbone, surtout en cas de calfeutrage des ouvertures ;
- désocialisation progressive (on n’ose plus inviter ses amis chez soi) ;
- mauvais résultats scolaires des enfants ;·
- dégradation de la qualité de vie et des relations intrafamiliales ;
- difficulté à trouver un emploi, augmentant ainsi la précarité énergétique ;
- pollution importante du logement ;
- dégradation progressive du logement le rendant encore plus difficile à chauffer ;
- …


Lutter contre la précarité énergétique
La lutte contre la précarité énergétique est complexe, car elle ne touche pas qu’à la rénovation énergétique du logement. De nombreux aspects sociaux et sanitaires sont aussi à considérer.
La difficulté d’aider
Dans de nombreux cas, les personnes concernées se sont habituées à leurs conditions de vie modeste et y trouvent une certaine forme « d’équilibre ». Celle-ci est notamment fondée sur la conviction que leur situation n’a aucune chance de s’améliorer et une méconnaissance des dispositifs qui pourraient les aider.
L’intervention de personnes extérieures pour changer la situation est alors parfois perçue comme une menace qui pourrait bouleverser leur fragile équilibre.
De plus, contrairement à la rénovation énergétique, il n’existe pas de guichet unique dédié à la lutte contre la précarité énergétique. À la place, c’est tout un réseau d’acteurs associatifs, publics et privés (Maison Nord Solidarité, CCAS, épiceries solidaires, associations humanitaires…) qui accompagnent les habitants de la MEL.
Souvent, ce sont ces acteurs qui incitent les personnes concernées à faire les démarches pour se faire accompagner. Il existe toutefois un grand nombre de foyers dits « invisibles », car plus difficiles à identifier, repérer et aider. Ils se manifestent alors grâce au bouche-à-oreille ou suite à une démarche personnelle.
Si vous êtes amené à rencontrer une personne en situation de précarité énergétique, vous pouvez contacter la mairie de la commune concernée ou directement son CCAS.
La MEL s’est engagée dans un programme dit « SLIME » qui vise à faire le lien entre ces acteurs, susceptibles de repérer des ménages en précarité énergétique, et AMELIO lorsqu’une problématique liée au logement est identifiée.
Sur l’ensemble de la Métropole Européenne de Lille, vous pouvez également appeler AMELIO au 03 20 21 27 77 (prix d’un appel local), qui vous redirigera vers l’interlocuteur le plus adapté.
Zoom sur le métier d’accompagnateur ensemblier solidaire
Ce nouveau métier, créé par Stop à l’exclusion énergétique, consiste à accompagner socialement, techniquement et financièrement, les familles dans leurs travaux de rénovation.
Sa mission va de l’analyse du besoin à la budgétisation du projet, en passant par la recherche de financement. Il contacte aussi les artisans, les coordonne, assure le suivi post-chantier et peut aller jusqu’à trouver un logement temporaire, le temps des travaux.
Les dispositifs pour sortir de la précarité énergétique
En plus de l’accompagnement des opérateurs d’AMELIO et des accompagnateurs ensembliers solidaires, différents dispositifs sont activables pour sortir de la précarité énergétique.
Le chèque énergie
Le chèque énergie aide les ménages les plus modestes à payer leurs factures d’énergie. Jusqu’en 2023, l’envoi était automatique, ce qui n’est plus le cas. Les ménages éligibles doivent donc le demander.
Pour en savoir plus sur le sujet, consultez notre article « Comment faire valoir son droit au chèque énergie ».
Les certificats d’économies d’énergie (CEE) dédiés à la lutte contre la précarité
Depuis 2016, l’État impose aux fournisseurs d’énergie de faire faire des économies d’énergie aux consommateurs.
Pour eux, cela se matérialise par des aides à la rénovation énergétique du logement. Le fournisseur perçoit en échange des certificats d’économies d’énergie (CEE), en fonction des économies qu’il aide à réaliser.
Ma Prime Logement Décent
Ma Prime Logement Décent est une aide destinée aux propriétaires bailleurs et occupants. Elle subventionne les travaux de rénovation des logements indignes.
Cela inclut des travaux comme la rénovation du réseau électrique et de gaz, le changement de toiture ou encore le renforcement des structures du logement.
Vous pouvez découvrir le dispositif en détail sur le site de l’Anah.
Les caisses d’avance et les aides au financement du reste à charge
Malgré les aides, les ménages en précarité énergétique font face à deux problèmes : avancer l’argent en attendant les aides et/ou financer le reste à charge (qui peut vite représenter plusieurs milliers d’euros).
La MEL a mis en place des caisses d’avance, alimentées par un fond mutualisé de 2,25 millions d’euros. Elles peuvent être complétées par des prêts sans intérêt, sans frais, sans garantie et sans assurance, afin de financer le reste à charge de leurs travaux.
L’association Stop à l’exclusion énergétique propose également un fonds de financement du reste à charge pouvant financer jusqu’à 10% du montant total des travaux TTC.
Zoom sur Stop à l’exclusion énergétique
Stop à l’exclusion énergétique est un collectif de 60 organisations publiques et privées engagées dans la lutte contre la précarité énergétique. Ses missions sont :
- mobiliser et rassembler les acteurs et décideurs pour réfléchir et travailler ensemblev;
- trouver des solutions, transversales ou locales, techniques ou financières ;
- outiller les acteurs et intervenants sur le terrain ;
- sensibiliser et former ;
- structurer des méthodologies entre acteurs qui ont peu l’habitude de collaborer
Le collectif se concentre exclusivement sur l’accompagnement des propriétaires occupants aux revenus très modestes. Parmi leurs principaux projets, on peut citer les « Territoires zéro exclusion énergétique », un fonds de financement du reste à charge ou le Scénario 2030 qui démontre comment éradiquer l’exclusion énergétique avant 2030.
Les aides au paiement des factures
Le fonds de solidarité logement propose sous certaines conditions des aides financières pour le paiement des dettes de loyer, des factures d'énergie ou d'eau. Pour plus de renseignements, rendez-vous sur le site du FSL : https://www.lillemetropole.fr/fonds-de-solidarite-logement
Sur la ville de Lille, certaines mairies de quartiers et associations labellisées pour intervenir auprès des habitants peuvent aider à solliciter cette aide (découvrir la liste sur le site Lille Métropole).
Les « territoires zéro exclusion énergétique »
Le programme « territoires zéro exclusion énergétique », porté par Stop à l’exclusion énergétique, vise à densifier la lutte contre la précarité énergétique par une approche globale à l’échelle d’un territoire (quartier, arrondissement…).
Il permet de rénover des centaines de logements sur une période réduite, améliorant la qualité de vie à l’échelle d’un territoire et non plus d’un seul logement.
Zoom sur le « Territoire zéro exclusion énergétique » de Tourcoing
Le quartier des Phalempins à Tourcoing fait partie des onze premiers « territoires zéro exclusion énergétique » sélectionnés en France.
C’est un quartier qui compte de nombreuses maisons 1930 où vivent des propriétaires occupants qui n’ont pas toujours les moyens de réaliser les travaux de rénovation nécessaires.
Le programme devrait permettre de rénover 400 logements d’ici à 2026 et d’en améliorer considérablement les performances énergétiques.
Les logements qui seront rénovés sont sélectionnés sur dossier.
Les freins à la lutte contre la précarité énergétique
Malgré les nombreuses aides et dispositifs et l’implication des acteurs, la lutte contre la précarité énergétique fait face à de nombreux freins.
Le premier est d’identifier les logements concernés. En effet, de nombreuses personnes ne sollicitent pas d’aide, parfois par fierté, très souvent par méconnaissance des dispositifs. Il est alors impossible de leur proposer l’accompagnement adapté.
Bon à savoir
La Métropole Européenne de Lille met à votre disposition un outil pour faciliter le signalement de vos problèmes de mal-logement : Signal Logement. Découvrez son fonctionnement dans notre article sur le sujet.
Une fois les logements identifiés, il reste à convaincre les habitants de se lancer dans un projet qui peut durer plusieurs mois et être perçu comme intrusif, car il touche à leur quotidien.
Enfin, diverses raisons peuvent empêcher un projet de se finaliser :
- le coût des matières premières qui augmente le temps de finaliser le financement ;
- de lourds problèmes techniques qui n’ont pas pu être anticipés (ex. : problème de fondation) ;
- l’emplacement de la maison dans une zone à risque (inondation, retrait-gonflement des argiles…) ;
- …
De plus, du côté des acteurs associatifs ou publics, tous ne sont pas formés aux enjeux de la précarité énergétique et ne sont pas familiers des solutions existantes.
Conclusion
Problème aux multiples facettes, la précarité énergétique touche de plus en plus de personnes chaque année.
Dégradation des logements, augmentation du prix de l’énergie, insuffisance des revenus : les causes sont diverses et varient selon les cas, tout comme les conséquences.
S’il existe de nombreuses aides, l’accès à l’information reste complexe pour les ménages qui ne savent pas vers qui se tourner pour demander de l’aide.
En cas de besoin, consultez gratuitement AMELIO au 03 20 21 27 77 (prix d’un appel local) ou lors de nos permanences dans votre commune.
Nos conseillers vous redirigeront vers l’organisme le plus adapté.
Source des infographies : Journée contre la précarité énergétique.